Fiction... Le temps des cerises, par Noisettes
Bonjour amis lecteurs du Mag nouvelle formule. Je reprends ma rubrique littérature avec des nouvelles pour notre ami reporter Blèmia Borowicz, plus connu sous le nom de Boro : la dernière fois, nous l'avions quitté alors qu'il avait regagné Paris en compagnie de sa cousine Maryika. Il se savait pas qu'il était aux premières loges pour assister à la manifestation du 6 février 1934 suite au scandale de l'affaire Stavisky. De nouvelles aventures vont le conduire dans la France de 1936, celle du Front Populaire et de la guerre civile espagnole. Il va devoir faire face à de nouveaux danger avec ses nouveaux amis. Je ne vous en dis pas plus et je vous laisse découvrir ces nouvelles aventures qui s'ouvrent sur une manifestation.
Le 13 février 1936, d'anciens Poilus et des membre de l'Académie française rendent un dernier hommage à Jacques Bainville, historien et membre de l'Académie, en suivant son cortège funèbre qui défile dans les rues du quartier de Saint-Germain-des-Prés. Les membres de la droite traditionaliste et de l'extrême-droite sont également présents. Parmi eux se retrouve Monsieur Paul, homme de main de l'une de ces organisations proches de l'extrême-droite, dont la mission principale est de cogner sur ses prétendus ennemis. Alors que les rues regorgent de jeunes nationalistes un peu échaudés par l'événement, une voiture fend la foule sans crier gare. Un homme vêtu d'un long manteau, le teint mât et une canne à la main sort de cette voiture. Le chauffeur lui propose de retourner à son point de départ mais pour toute réponse, l'homme hoche la tête et paie sa course. Il se dirige d'un pas décidé et rapide vers un endroit précis, tout en étant suivi par une horde de jeunes gens à l'allure quasi militaire et Monsieur Paul se trouve parmi eux. Cette silhouette ne lui est pas étrangère, mais il n'arrive pas à se souvenir des circonstances de leur première rencontre. Des jeunes suivent l'inconnu tout en lui posant des questions sur ses opinions politiques car tout en étant étranger (ce qui s'entend à son accent de l'Est), cela ne peut pas l'empêcher d'éprouver le même amour qu'eux pour la patrie. L'étranger refuse de leur répondre, ce qui amplifie leur colère. Le cortège arrive à la hauteur d'une voiture et là, l'inconnu veut empêcher la foule d'y toucher. Avec une dextérité et une rapidité hors du commun, il fouette l'air avec le lacet de sa canne mais comprend vite qu'avec ce geste, il risque de gros ennuis. Il trouve refuge dans la voiture et le groupe commence à l'entourer avant de la balancer de droite à gauche. L'un d'eux lui dit qu'il aurait mieux fait de quitter les lieux, mais l'inconnu, avec sa désinvolture habituelle, dit qu'il ne peut pas conduire à cause de sa jambe, ce qui stupéfie la foule dans un premier temps avant de reprendre l'attaque. C'est à ce moment-là que la mémoire de Monsieur Paul se réactive : cet homme est à l'origine d'un cliché photographique qui a fait le tour du monde : Adolf Hitler dans une situation pour le moins compromettante. Il est aussi celui qui a fait tomber l'Ordre de Parsifal, l'ancêtre de La Cagoule, obligeant son maître, le marquis d'Abrantès, à rejoindre la clandestinité. C'est un reporter. Monsieur Paul demande à la foule de lui laisser l'inconnu, se dirige vers la portière passager et lui assène un bon coup de gourdin sur la tête. Blèmia Borowicz ne peut rien tenter.
Boro se souvient alors du poing de Monsieur Paul qui, quelques années auparavant, l'avait étourdi. Bien qu'il ait trouvé refuge dans sa voiture, une Aston Martin qu'il avait acquise en compagnie de la marquise d'Abrantès, il n'en est pas pour autant en sécurité car Monsieur Paul et ses acolytes sont attroupés autour de la voiture qu'ils commencent à détériorer. Quelques instants plus tard, la foule quitte les lieux pour aller plus loin. Les réflexes professionnels reprenant le dessus, Boro sort de sa voiture et se met à suivre la foule tout en vérifiant que son Leica est équipé d'une pellicule neuve afin de prendre des photos qui feront éventuellement l'objet d'un reportage. La foule, toujours aussi survoltée, stoppe une voiture et en sort violemment les occupants. Parmi ses occupants se trouve le président du Conseil, Léon Blum, et une femme, également passagère de la voiture, qui tente de le protéger de la foule en furie. Des injures antisémites accompagnent le retrait de la voiture du président du Conseil qui est blessé au cours de la rixe. L'arrivée d'un agent de police, appelé par deux peintres travaillant sur un échafaudage au Ministère de la Guerre, met la foule hostile au chef du gouvernement en déroute.
Une fois les manifestants dispersés, le petit groupe, composé de l'agent de police, du député et de son épouse passagers de la voiture et présents au cours de la rixe, Boro et les deux peintres, accompagne le président du Conseil vers un immeuble haussmannien pour se mettre en sécurité et recevoir les premiers soins. Cependant, il se heurte au refus de la gardienne de les laisser entrer dans sa loge le temps d'aller chercher un médecin pour soigner le blessé, malgré les efforts faits par le député pour qu'elle puisse accueillir momentanément le président du Conseil. Le petit groupe capitule et va chercher refuge vers un endroit plus accueillant. Durant le trajet, Boro écoute Léon Blum lui expliquer sa conception de la lutte sociale qui ne peut se faire dans la violence mais par la prise du pouvoir par les ouvriers dans les entreprises qui bloqueront la production si le patronat ne prend pas en compte leurs revendications. Le petit groupe parvient à trouver refuge chez une dame qui propose au blessé d'attendre le médecin, qui est en visite, dans son vestibule. C'est à ce moment-là que vient le préfet de police afin de prendre la déposition de tous les témoins présents lors de la rixe et pour prendre des nouvelles du blessé. L'arrivée du préfet gêne le plus jeune des deux ouvriers et son collègue, voyant la gêne du jeune homme, lui fait savoir de ne pas faire parler de lui. Une fois les dépositions faites, Boro et les deux peintres laissent Léon Blum avec ses compagnons et la police et partent ensemble dans la même direction, chacun perdu dans ses pensées.
Au même moment, à l'autre bout de la rive gauche de la Seine, au niveau du parc Montsouris, deux hommes se sont donnés rendez-vous. Ce sont deux gradés militaires, le colonel Barassin-Ribancourt et le lieutenant Jaunivert de Coquey, qui ont pour mission principale d'infiltrer une organisation secrète pour y découvrir ce qu'elle trafique. Cette organisation s'est donnée pour mission principale de débusquer les militaires ayant des sympathies pour Moscou. Mais le colonel Barassin-Ribancourt craint que le chef de cette organisation veuille faire un coup d'état. Les deux militaires attendent l'indicateur qui doit les introduire dans le cercle et lorsque celui-ci se présente à eux, il reconnaît le colonel avec lequel il servit dans l'armée lors de la Grande Guerre. Le colonel ne reconnaît Alphonse Charpallez qu'au moment où celui-ci lui parle du jour où il lui a sauvé la vie. Les deux hommes sont introduits par Alphonse Charpallez dans l'immeuble dans lequel est abritée l'organisation. Une fois dedans, ils sont conduits dans une salle dans laquelle ils doivent décliner leur identité et leur qualité. Une fois cela fait, ils sont autorisés à pénétrer dans une autre pièce dans laquelle des torches brûlent et où ils sont accueillis par une foule qui revêt une robe semblable à celle des magistrats alors que le chef est vêtu d'une simple toge. Les deux militaires sont inquiets car l'ambiance des lieux est lourde mais le chef s'adresse à eux et demande au colonel de prêter serment à leur cause sur un ouvrage de Malaparte, ainsi que sur le drapeau tricolore en disant cette phrase : « Ad majorem Galliae gloriam ». C'est ensuite au lieutenant de prêter le même serment mais à la différence de son aîné, il doit attester qu'il n'est ni juif, ni franc-maçon. Un fois que les deux hommes ont prêté serment d'allégeance à l'organisation, ils sont autorisés à pénétrer dans une nouvelle salle où sont réunis tous les membres de l'organisation. Parmi eux, le jeune lieutenant reconnaît un militaire peu recommandable mais qui connaît tous les secrets de chaque militaire français et ce militaire est un proche du maréchal Pétain. A ce moment-là, un homme d'approche du colonel Barassin-Ribaucourt pour lui dire que le chef de l'organisation, Eugène Deloncle, veut le voir en privé. Le colonel n'a d'autre choix que de suivre cet homme jusqu'à son chef. Ce dernier accueille le militaire en lui disant qu'il est ravi de l'avoir dans ses rangs pour défendre la patrie. Si le colonel ne souscrit pas aux idées de Deloncle, il est patriote et c'est ce qui compte. Il connaît également les faits d'armes de son hôte et il lui dit qu'il est prêt à tout pour sauver la France du péril rouge, mais pas de se faire complice d'un coup d'état, ce à quoi Deloncle répond qu'ils doivent accomplir leur mission par tous les moyens.
Pendant ce temps, Boro est toujours avec les deux peintres en bâtiment. Ils sont toujours dans le quartier de Solférino et le plus jeune des ouvriers, André Mésange, dit Dédé, fait remarquer à son collègue et ami, non sans une forme de mépris, que les personnes qui vivent dans le coin ne sont pas à plaindre. Ce dernier, qui répond au nom d'Albert Fruges, esquisse un sourire avant d'évoquer rapidement que le préfet qui a pris leur déposition était en poste à Arras quelques années plus tôt. Au cours de leur conservation, Boro apprend par le jeune Dédé qu'après avoir accumulé quelques bêtises d'adolescents qui l'ont conduit quelques temps au bagne, Albert lui avait tendu la main en lui offrant un emploi. Cependant, Albert Fruges précise que le petit est passé par la case service militaire et que cela ne s'est pas très bien passé à cause son passé de délinquant et que c'est l'une des raisons pour lesquelles Dédé ne porte pas dans son cœur les représentants de l'ordre d'où son tatouage avec les initiales « M.A.V. », ce qui signifie « Mort aux vaches » ou plus exactement mort aux flics pour les anarchistes. Ces initiales, le jeune Dédé les a écrites sur un mur avec du charbon et Boro, ne comprenant pas ce que cela voulait dire, se fait expliquer la signification par Albert. De plus, il constate, par l'accent de Boro, que celui-ci n'est pas d'ici, ce à quoi Boro lui répond qu'il vient de Hongrie, un pays entre « un fleuve et des collines ». Albert Fruges consulte sa montre et constate qu'il est trop tard pour retourner au travail et il propose à Boro de leur payer un verre dans une gargote qu'il connaît bien près du Ministère de la Guerre. Les trois compères s'y dirigent et quand il entre dedans, Dédé apostrophe le propriétaire des lieux, Arthur Terizolles, originaire d'Auvergne, en lui disant qu'il fait des économies sur le charbon et l'électricité. Le tenancier lui dit qu'il n'est pas nécessaire de gaspiller inutilement les ressources énergétiques quand la visibilité est correcte et qu'il n'y a personne dans le bistro. Albert commande un bière belge alors que le tenancier essaie de lui donner une bière allemande en disant que ce sont les meilleurs. Le peintre lui répond que c'est fasciste et le cabaretier annonce que le Führer est socialiste car il fait construire des routes dans toute l'Allemagne et que l'ouvrier peut avoir sa propre automobile, la « Volewagaine » (Volkswagen). Albert Fruges, excédé par cet éloge de l'Allemagne nazie, le menace d'aller chez la concurrence s'il n'arrête pas et le tenancier s'exécute. Après quelques bières, alors que Dédé est parti nettoyer et ranger le matériel à la demande d'Albert Fruges, Boro lui demande s'il veut bien conduire sa voiture jusqu'à chez lui. Le peintre s'étonne de cette demande et Boro lui explique qu'il ne peut pas conduire à cause de sa jambe. Il accepte mais à une seule condition, qu'ils passent d'abord aux Galeries Lafayette, ce que Boro accepte.
Du coté du parc Montsouris, Alphonse Chapaillez est posté à proximité de la grande maison dans laquelle il a introduit le colonel Barassin-Ribancourt. C'est un ancien Poilu, gradé caporal sapeur, qui été gazé à Ypres et dont les poumons sont en très mauvaise état. En plus d'avoir laissé sa santé dans les tranchées, sa femme est partie avec un autre hommes et ce qui lui reste dans la vie est son métier de policier. Il infiltre et espionne actuellement les membres de cette organisation et n'a de compte à rendre à personne à l'exception du préfet de la police, monsieur Guichard. Il note tout ce qui concerne les membres de l'organisation et fait une fiche pour les nouveaux entrants. Il note également ce que les différents membres pensent des uns et des autres. Alors qu'il relisait rapidement ses notes tout en ayant un œil sur la maison, il voit qu'un colosse, dont la méfiance se lit sur le visage, arrive. Après avoir fait un repérage rapide, celui-ci fait signe au chef de l'organisation et à son invité de venir et un voiture les prend tous deux à bord. Après cela, Alphonse Chapaillez se décide à suivre le colosse. Il reprend la fiche de ce dernier : il s'appelle Pierre-Joseph Briguedeuil et il est boucher du côté de Montmartre. Il vit avec sa mère et il est le frère jumeau de Paul-Émile Briguedeuil, plus connu sous le nom de Monsieur Paul. Il doit ses entrées dans les différentes organisations d'extrême-droite à son frère. Les deux frères n'ont aucun scrupule à user de la violence, ce qui les rend très dangereux. Il serait « mêlé à la disparition de certains francs-maçons ». Alors que Pierre-Joseph Briguedeuil se dirige vers sa boutique, il ne songe qu'au navarin de mouton que lui aura préparé sa douce maman et à des bottes de cavalières rouges qu'il aimerait avoir. Tout comme son frère, la réflexion n'est pas son point fort. Il disparaît au coin d'une rue et Chapaillez en profite pour sortir de sa cachette et hèle un taxi pour le conduire aux Quais des Orfèvres. Il demande au chauffeur de taxi de ne pas rouler trop vite car la douleur qu'il ressent aux poumons est vive. Il repense aux circonstances dans lesquelles il est entré dans la police et ce qu'il doit au préfet Guichard et son métier lui permet d'oublier sa santé chancelante. Il arrive dans le bureau du préfet de police et celui-ci lui demande ce qu'il a découvert. Chapaillez lui dit que quelque chose se trame qui dépasse la fiction et sort son carnet de notes à la page d'un grand magasin parisien.
En regagnant le boulevard Saint-Germain, Albert Fruges s'étonne du nom de Boro qui est difficile a prononcer et Boro explique qu'il porte le nom de sa mère hongroise mais que son frère était un Français de confession juive. Albert Fruges lui dit qu'il vient du Nord et que ses ancêtres sont de cette région. Le peintre interroge le reporter sur sa jambe et quand il lui dit qu'il fut blessé lors de l'incendie du Reichstag, ce dernier ne le croit pas et lui demande pourquoi il raconte des « bobards ». C'est bien la première fois qu'on lui pose la question et il le dit franchement au peintre. Sur le boulevard Saint-Germain, les manifestants ont laissé place aux riverains et rien ne laisse croire que quelques heures auparavant, une manifestation avait eu lieu. Arrivé à la hauteur de l'Aston Martin, Boro ne peut que constater les dégâts qu'elle a subis et le peintre reste à bonne distance, étonné de voir avec quelle facilité le reporter se déplace malgré sa boiterie. Il en veut à Pázmány d'avoir laissé sa voiture sur cet axe fréquenté de la capitale, surtout en période de manifestation. Après avoir fait un état des lieux rapide des dommages, Albert Fruges prend le volant et tous deux se dirigent vers le Boulevard Haussmann. Cependant, il dit à Boro qu'il connaît un mécanicien qui pourra remettre en état son Aston Martin et lui fait savoir que ce gars est l'oncle du jeune Dédé. Boro est sceptique sur ce point mais le peintre le rassure. Alors qu'Albert Fruges est concentré sur sa conduite, Boro se demande à qui son agence de presse va vendre son reportage sur les Camelots du Roi et il se refuse à vendre les photos de l'agression de Léon Blum. Même s'il est concentré sur sa conduite, le peintre demande au reporter ce qu'est l'appareil photo qu'il a et Boro lui explique que c'est un Leica très simple d'utilisation. Il demande au conducteur de le déposer au siège de l'agence avant qu'il puisse se rendre aux Galeries Lafayette mais Albert Fruges refuse et dit à Boro qu'il doit s'y rendre car il a « une sale commission à faire ». Il explique à Boro qu'il est descendu à la mine quant il avait seize et qu'il y a travaillé pendant dix-neuf ans et que de nombreux copains y travaillent encore. Il a appris le matin même qu'un coup de grisou a dévasté la mine dans laquelle travaille son meilleur ami, qu'il considère comme son frère. Il ne sait pas s'il est vivant ou pas mais il doit annoncer la nouvelle à sa fille qui travaille aux Galeries Lafayette. Elle est orpheline de mère et maintenant, il est possible que son père ne soit plus de ce monde. Mais cette petite, qui répond au nom de Liselotte Declercke, n'est pas n'importe qui. Elle a dix-sept ans et elle est déjà à l'université. Son père met tout ce qu'il peut de sa paie pour sa fille et elle, elle finance le reste en travaillant en tant que vendeuse. C'est une jeune fille courageuse. Avant d'aller lui annoncer la mauvaise nouvelle, Albert Fruges demande à Boro de lui expliquer comment fonctionne son Leica, afin de se changer les idées et le peintre fait une série de photos que Boro lui promet de lui remettre une fois qu'elles seront développées. Il demande à Boro de l'accompagner afin de parler à Liselotte et lui dit qu'elle vaut la peine qu'on fasse sa connaissance car cette petite est « une valeur ».
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