Les monstres apeurés
La nature a voulu que je naisse rat.
Je ne puis ni écrire ni parler mais je vais
Depuis si longtemps en vos villes et vos draps
Pour connaître de vos demeures les secrets,
De vos vies les errances, de vos nuits les tourments,
De vos êtres les faiblesses, et de vos âmes les accents.
Je partage votre toit et mange dans vos plats.
Parasite je suis, votre misère me nourrit
Allant dans vos pas, je vis mieux que ceux là
Qui jouent au piano des pavés, des nocturnes infinis.
Votre espèce est pour elle-même pire encore qu’elle n’est
Pour les autres, et jouissant des talents qu’on vous offrit
A détruire tout ce que le temps seul à construit
Dans vos mains maladroites, l’univers ne serait
Que la triste servitude de vos insatiables caprices.
Mon nom est une insulte, ma vie est un supplice
Je suis la peste noire, et le navire qui sombre
Je suis l’œil de sang qui vous observe dans l’ombre
Je suis le bruit qui gratte au creux de vos murs
Je suis le voleur qui réside dans l’obscur
Je suis le miroir muet de ce que vous redoutez
Et pourtant que vous êtes : des monstres apeurés
La nature a voulu que je naisse rat.
Et c’est moins cruel que de naître Humain
Petit être au sommeil si beau, quand tu t’éveilleras
Sache que dans ton berceau d’or, moi le rat, je te plains.
L_
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