Quand le réel frappe à ta porte.
La vie est curieuse, c'est parfois ce petit fil agaçant qui dépasse de la pelote que tu tires et qui n' en finit pas.
La nuit est presque là en ce soir de janvier, je n' aime pas cette période entre chien et loup la nuit tombe vite, sur la route les bas cotés sont instables, dangereux, la visibilité réduite.
Et puis m' extirpant de mes songes une ombre surgit sur le coté, un femme habillée en foncée, peu visible sur la route dangereuse.
Je me gare sur l' entrée d'un chemin de ferme et baisse ma vitre.
- ma voiture est enlisée, dit- elle j' ai voulu faire demi- tour sur l'herbe et je suis carrément bloquée.
Je descends pour constater , en effet elle est bloquée, mais pas trop profond, je la dévisage un peu , elle aussi, elle a un accent léger qui me fait penser à ma vétérinaire qui est Belge.
Je vois qu'elle a tenté de sortir de ce pétrin, des planches, des branches sous les roues, mais sans succès apparent.Après une brève discussion et la nuit étant quasiment là, on décide, moi je recule sur le champ laissant les roues avant de ma camionnette sur le bitume du chemin, et avec des sangles trouvées dans ma voiture on accroche sa voiture sur la boule de mon kangoo.Pour communiquer on baisse nos vitres, je tends la sangle en avançant un peu et lui crie d'avancer doucement comme moi pour ne pas faire patiner les roues, et c'est parti.La voiture suit et rapidement les roues avant se retrouvent sur le goudron du chemin, je l' entends crier sa joie, je mets sur l' angoisse de rester bloquée en rase campagne sans téléphone cette exubérance. Je descends pour la rejoindre et récupérer mon matériel :
- merci pour le coup de main me lance- t- elle et moi je sors une banalité finament très protocolaire.
- c'est mieux qu' un coup de pied c'est sûr, bon tout finit bien.
On se salue et chacun reprend son chemin, enfin pas tout à fait, elle grifonne sur un papier son numero , son nom et prénom. La nuit est tombée, la pleine lune redessine les arbres .Et le petit bout de fil agaçant qui sort de la pelote est toujours là Il dépasse, presque arrogant, et même quand tu ne veux pas le tirer il s' accroche à un ongle et déroule sa pelote.C'est ainsi que quelques jours plus tard j' ai retrouvé mon enlisée. Enfin sa voiture, là j' étais sûr, au milieu d' un parking, le dessin sur le coté ne laissant aucun doute.J' ai attendu un peu mais personne que je reconnaisse ne fit son apparition. Je regrimpais dans ma camionnette et allais partir, mais baissant mon pare soleil je retrouvais le fil arrogant sous forme de papier, avec un nom, un prénom et un numéro de téléphone. Je composais les chiffres et mon léger accent belge me répondit :
- Allo ?
- c'est le coup de pied aux fesses, je suis sur le parking, j' ai reconnu la voiture.
- un, j' arrive, sortant du coeur me perçait le tympan.
Un jean's moulant lui allant bien, un ciré jaune, des bottes comme pour aller aux crabes, la tête sous la capuche , courbée sous le vent elle faisait un coucou à ma vitre en agitant sa main aux doigts écartés.
- montez lui dis - je !
- oui.
Le vent s' engouffra dans ma voiture sous forme de tornade jaune et bleue, pour les bottes là c'est une paire de manches, j' ai du mal à définir, un vieux rose, mais très vieux alors.
- ceinture.
- où va- t- on?
- boire quelque chose de chaud, et en souriant, une objection?
- non dit - t- elle en me fixant.
Je garais la voiture devant le bar,
- un grand café pour moi, prenez ce que vous voulez, je passe à la boulangerie et je suis là. Il restait deux pains aux raisins que la boulangère mis dans un sac en papier.Au café, mon enlisée attendait sagement, lui tendant le sac en papier:
- servez vous.
- merci j' adore , en ouvrant le sac.
Puis elle se mis à parler en mangeant elle me racontait ce soir où elle était restée scotchée avec sa voiture, moi je décrochais un peu en fait je connaissais puisque j' étais là. Je regardais, ses lèvres, jolies, un grain de raisin au coin, tremblant un peu comme par peur de tomber.
- là, lui dis je en portant mon doigt sur le coin de ma bouche et de l' autre lui tendant la serviette.
Mais elle balayait d' un revers de main et repris de plus belle.
Je regardais son cou fin, une petite chaine en or et un petit coeur pendant au milieu de ses clavicules visibles.
Au moment où elle fit une pause pour reprendre sa respiration je criais presque.
- améthyste, ayant retrouvé le mot que je cherchais.
- what?
- le petit coeur, c'est une améthyste polie.
- vous connaissez les pierres?
- oui, par obligation.
-par obligation vous travaillez dans ce milieu?
- non pas du tout, en fait c'est ma petite voisine qui connait bien, quand elle vient à la maison, elle prend ma tablette , m' explique les pierres, moi je lui fais ses devoirs on s' instruit mutuellement.
- elle a qu' elle âge ?
- huit ans et demi mais elle est grande, toujours selon elle évidemment.
- sinon vous faites de la peinture?
- oui, comment vous savez ça ?
- vos doigts , il y a un peu de bleu et de jaune sur deux d' entre eux, je suppose que vous avez dépassé l' âge du coloriage et des feutres n' est ce pas?
- en effet, je suis peintre et elle rit , vous êtes observateur ou alors je suis négligée.
- non, pas du tout négligée puis le bleu et le jaune ne choquent pas avec votre jeans et le ciré , c'est bien assorti je trouve , au fait l' améthyste c' est la sérénité et la sagesse si j' ai bien suivi le cours, je pourrais vous décrire ainsi?
Elle allait me répondre mais mon téléphone sonna :
- désolé lui dis- je en raccrochant, mon vétérinaire sera là dans trente minutes, je dois vous laisser, désolé.
- je comprends.
- je vous dépose à la voiture et je file encore désolé de partir comme un voleur.
Le magasin était fermé, le parking vide comme un quai de gare , désert. D' ailleurs ça ressemblait à ça, cette gêne de se séparer sans avoir jamais été vraiment proches.
Je la vis encore un peu dans mon rétroviseur puis au premier rond- point elle disparue.
La vétérinaire était là pour le vaccin de mon âne et de mon chien, j' enfilais mes bottes et la suivais dans un champ détrempé par les pluies terribles des derniers jours. Ce ne fut pas très long avec ce temps froid et pluvieux, et je me retrouvais devant la cheminée un café à la main, mon chien allongé sur le dos les quatre pattes en l' air me regardait en remuant sa queue, balayant le sol façon essuie-glace .Le reste de la journée me parue sombre et ma foi assez triste.
Le temps avait changé subitement, je payais le pain et un café, j' adore ce lieu, café, épicerie, boulangerie. J' aime regarder les gens, leurs conversations, les plaisanteries aussi je m' assoie et pose ma tasse sur la table près de la fenêtre, une table plus loin le vieil homme, toujours là, même place, même jounal, comme un repère dans la vie routinière.
Alors je lance la conversation :
- bonjour, les nouvelles sont bonnes?
- pas vraiment je regarde les décès.
- ah! Je vois bon déjà si vous ne voyez pas le vôtre, c'est positif.
Et là son visage change je crois qu' il va se fâcher et non, il rit et plaisante, mais la cloche de la porte de l' épicerie retentit , d' où je suis je ne vois pas qui entre, j' entends juste deux voix de femmes qui parlent en riant, je devine aux bruits qu' elle prennent des articles, demandent du pain puis l' une d' entre elle :
- tu veux un café ?
- ah! oui tiens , et là je sais qu' elles vont venir coté bar, le vieil hommes lève la tête , lui peut les voir d'où il est ,son visage au dessus de son journal , ses yeux au dessus des lunettes.
○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○
Puis les deux jeunes femmes nous saluent avec un sourire et s' assoient .
Je devine à leur façon de parler qu' elles sont amies, elles sont jolies, cheveux courts et cheveux longs, c'est cheveux courts qui parle , de la pluie et du beau temps, mais surtout de la pluie.
Moi, j' ai fini mon café, ramasse mes clés , mon téléphone , vais partir quand cheveux longs dit baissant un peu la voix et d' un ton grave:
- tu sais que semaine passée Juju est restée enlisée ?
Et là je repose mes fesses, mon téléphone , mes clés, commande un autre café.
- nooon! Réponds cheveux longs, raconte.
- et bien, elle voulait faire demi- tour mais sur l' herbe gorgée d' eau avec ce temps" de m..de," elle est restée embourbée et la nuit qui tombait, heureusement un type est venue la sortir de là.
- la chaannnce! enfin je veux dire que le type se soit arrêté pour sauver la princesse et elle rient , me jetant des petits regards en coin, moi je fais celui qui n' écoute pas ,
Alors elles continuent
-tu connais Julia! depuis elle me parle de lui, elle aurait voulu le remercier dans les règles, mais ils se sont juste croisés et pas eu le temps de le faire comme elle aurait souhaité. En fait elle a son tel, mais peur de l' appeler, tu la connais.
- oui, dommage et lui il n' appelle pas?
- non, il est sûrement marié avec une harpie hyper jalouse et elles rient.
Cette fois je prends mes clés, mon Samsung laisse la monnaie sur la table salue le vieil homme , les deux amies et quitte les lieux, la clochette retentit quand je pousse la porte, dehors un chien traîne.
Je traverse la rue déserte , regagne la voiture, mais au moment de démarrer j' ai toujours à l' esprit la conversation des copines, Julia.
Alors je regarde sous mon pare- soleil, pour vérifier le prenom, mais le papier n' y est plus, je retourne la cabine, mais rien je pense que sur le parking avec les portières ouvertes, le vent, il a du s' envoler.
Et je me rends compte que je n' ai jamais prononcé son prénom et là je m' enlise de honte.
Alors je reprends mon téléphone et dans mes appels sortants, je recherche le numéro et y inscris Julia et rajoute la princesse en souriant à mon rétro .
Modifié par PASCOU
32 Commentaires
Commentaires recommandés