Il demanda comment il avait été blessé...

Ce que Rostov fit avec plaisir. S'animant de plus de plus, il leur raconta la bataille de Schoengraben exactement comme raconte une bataille ceux qui y ont participé, c'est-à-dire comme ils eussent voulu qu'elle se fût déroulée, comme ils l'avaient entendu raconter par d'autres, de telle sorte que le récit en fût plaisant, mais pas du tout de la façon dont les événements s'étaient déroulés en réalité.

Rostov était un jeune homme sincère, il n'aurait sciemment pas menti pour rien au monde. Il avait l'intention en commençant son récit de dire les choses telles qu'elles s'étaient passées, mais involontairement, imperceptiblement et fatalement, il aboutit au mensonge. 

S'il s'était contenté de dire la vérité à ces auditeurs qui avaient déjà entendu maintes fois des récits d'attaques, s'étaient fait une idée précise de ce qu'est une attaque, et attendaient un récit en tout point conforme à cette idée, ils n'auraient pas cru Rostov, ou bien, ce qui eût été pire encore, ils auraient pensé que c'était uniquement sa faute à lui s'il ne lui était pas arrivé ce qu'il arrive d'ordinaire aux témoins d'une charge de cavalerie.

Il ne pouvait leur raconter simplement qu'il était parti au trot, qu'il était tombé de cheval, s'était démis le bras et avait couru à toutes jambes se réfugier dans un bois pour échapper aux Français. 

Et puis, pour raconter tout ce qui s'était passé et uniquement ce qui s'était passé, il fallait faire un effort sur soi-même.

Raconter la vérité est très difficile et les jeunes gens en sont rarement capables...

Guerre et Paix Toltoï

Il y a 15 heures, Exo7 a dit :

Ce que Rostov fit avec plaisir. S'animant de plus de plus, il leur raconta la bataille de Schoengraben exactement comme raconte une bataille ceux qui y ont participé, c'est-à-dire comme ils eussent voulu qu'elle se fût déroulée, comme ils l'avaient entendu raconter par d'autres, de telle sorte que le récit en fût plaisant, mais pas du tout de la façon dont les événements s'étaient déroulés en réalité.

Rostov était un jeune homme sincère, il n'aurait sciemment pas menti pour rien au monde. Il avait l'intention en commençant son récit de dire les choses telles qu'elles s'étaient passées, mais involontairement, imperceptiblement et fatalement, il aboutit au mensonge. 

S'il s'était contenté de dire la vérité à ces auditeurs qui avaient déjà entendu maintes fois des récits d'attaques, s'étaient fait une idée précise de ce qu'est une attaque, et attendaient un récit en tout point conforme à cette idée, ils n'auraient pas cru Rostov, ou bien, ce qui eût été pire encore, ils auraient pensé que c'était uniquement sa faute à lui s'il ne lui était pas arrivé ce qu'il arrive d'ordinaire aux témoins d'une charge de cavalerie.

Il ne pouvait leur raconter simplement qu'il était parti au trot, qu'il était tombé de cheval, s'était démis le bras et avait couru à toutes jambes se réfugier dans un bois pour échapper aux Français. 

Et puis, pour raconter tout ce qui s'était passé et uniquement ce qui s'était passé, il fallait faire un effort sur soi-même.

Raconter la vérité est très difficile et les jeunes gens en sont rarement capables...

 

 

Guerre et Paix Toltoï

J'ai commencé de lire... et j'ai pensé : Mon Dieu que c'est compliqué comme formulation ! Un peu brouillon

"ils auraient pensé que c'était uniquement sa faute à lui s'il ne lui était pas arrivé ce qu'il arrive d'ordinaire aux témoins..."

Pour j'ai vu l'auteur : Tolstoï et me suis dit que ça devait être bien quand même ! 

(On ne prête qu'aux riches mais quelle prévention !)

C'était très sincèrement que Mlle Bourienne et Lise s'ingéniaient à la rendre jolie. Elle était si laide que l'idée d'une rivalité ne pouvait leur venir à l'esprit. Aussi est-ce avec avec une entière sincérité qu'elles entreprirent de l'habiller, avec cette naïve et indéracinable conviction des femmes qu'une toilette peut embellir un visage.

- Non, vraiment, ma bonne amie, cette robe n'est pas bien, disait la petite princesse en s'éloignant de sa belle-sœur et en la regardant de profil.

Tu as ta massaca, qu'on te l'apporte. Pense donc c'est ton sort qui se décide peut-être ! Et celle-ci est trop claire. Ce n'est pas joli, non, vraiment, ce n'est pas joli du tout.

Ce n'était pas la robe, c'étaient le visage et la silhouette de la princesse qui n'était pas jolis. Mais ni sa belle-sœur ni Mlle Bourienne ne s'en rendaient compte. Il leur semblait que si l'on nouait un ruban bleu dans ses cheveux relevés, si on jetait une écharpe bleu sur la robe brune, etc... tout serait bien.

Elles oubliaient qu'il était impossible de transformer le visage apeuré et le corps disgracieux et qu'elles avaient donc beau parer ce visage et en modifier le cadre, il était toujours pitoyable et laid.

Après deux ou trois essais auxquels la princesse Marie se prêta docilement, lorsque ses cheveux relevés ayant été ramenés en arrière (coiffure qui changeait complètement son visage et l'enlaidissait encore davantage), elle fut revêtue de l'élégante robe massaca avec l'écharpe bleu, la petite princesse tourna deux ou trois fois autour d'elle, rectifiant de sa petite main ici un pli, là, la retombée de l'écharpe et considéra sa belle-sœur, penchant sa tête tantôt à droite, tantôt à gauche.

- Non c'est impossible ! S’exclama-t-elle d'un ton péremptoire en joignant les mains. Non, Marie, décidément ça ne vous va pas. Je vous aime mieux avec votre petite robe grise de tous les jours. De grâce, faites cela pour moi !

Guerre et Paix.