Un court texte sur la nostalgie

Suite au sujet d'hier sur la nostalgie, j'avais à cœur de partager avec vous ce court texte - que je trouve très émouvant - de Dino Buzzati, paru dans son recueil "En ce moment précis" (Editions Robert Laffont, collection "Pavillon poche")

Mon seul souhait est qu'il plaise à certains...

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La secrétaire à laquelle je dictais mes poèmes s’est mariée, elle a deux enfants, et quand je la rencontre elle me salue d’un signe de tête, voilà ce qui subsiste de l’amour.

Ma machine à écrire, je l’ai prêtée à un ami, alors, adieu ! Quel garçon sympathique ! (quoiqu’il roulât les r). Voilà vingt-cinq ans qu’il est parti. Aurons-nous un jour de ses nouvelles ?

Mon stylo est cassé. Je l’ai laissé tomber dans un mouvement maladroit et la plume en or s’est épointée. À l’une de ces petites baraques en plein air, qui s’occupent de cela, on m’a dit qu’il n’y avait rien à faire.

Et mon vieux porte-plume que j’utilisais quand j’étais enfant – il doit encore être quelque part – où le retrouver ? J’avais aussi pour l’école un petit encrier de poche, vous vous en souvenez ? Mais des milliards d’hommes, entre-temps, sont morts et nés, et il a dû être enterré avec eux.

Voilà pourquoi j’écris avec un crayon. Un vieux bout de crayon, trouvé dans une vieille boîte, par hasard. Je l’ai taillé bien pointu et sur le peu de papier blanc qui me reste ce soir, j’écris.

J'aime bien non pas parce que j'ai compris ce qu'il veut dire mais en le lisant je sens comme une "douce pitié" ou une espèce de sympathie, de connivence, pour le personnage qui voit tout s'en aller progressivement autour de lui.

L'auteur est pris par l'alzheimer ? La pauvreté ? 

Oui je pourrais aller regarder moi même directement mais

Ça me fait beaucoup penser un un texte de Guy de Maupassant, qui s’intitule « Suicide », un homme se remémore son passé, son quotidien morose et prévisible, et à la fin il se souvient d’une lettre qu’il a écrit à sa maman quand il avait sept ans : comme la vie était pleine de promesses ! Le temps a passé, tout est devenu gris, l’existence n’a plus la même saveur. Il regrette tellement le passé qu’il s’en suicide.

Il y a 15 heures, Auger a dit :

Suite au sujet d'hier sur la nostalgie, j'avais à cœur de partager avec vous ce court texte - que je trouve très émouvant - de Dino Buzzati, paru dans son recueil "En ce moment précis" (Editions Robert Laffont, collection "Pavillon poche")

Mon seul souhait est qu'il plaise à certains...

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La secrétaire à laquelle je dictais mes poèmes s’est mariée, elle a deux enfants, et quand je la rencontre elle me salue d’un signe de tête, voilà ce qui subsiste de l’amour.

Ma machine à écrire, je l’ai prêtée à un ami, alors, adieu ! Quel garçon sympathique ! (quoiqu’il roulât les r). Voilà vingt-cinq ans qu’il est parti. Aurons-nous un jour de ses nouvelles ?

Mon stylo est cassé. Je l’ai laissé tomber dans un mouvement maladroit et la plume en or s’est épointée. À l’une de ces petites baraques en plein air, qui s’occupent de cela, on m’a dit qu’il n’y avait rien à faire.

Et mon vieux porte-plume que j’utilisais quand j’étais enfant – il doit encore être quelque part – où le retrouver ? J’avais aussi pour l’école un petit encrier de poche, vous vous en souvenez ? Mais des milliards d’hommes, entre-temps, sont morts et nés, et il a dû être enterré avec eux.

Voilà pourquoi j’écris avec un crayon. Un vieux bout de crayon, trouvé dans une vieille boîte, par hasard. Je l’ai taillé bien pointu et sur le peu de papier blanc qui me reste ce soir, j’écris.

A dire vrai, ça me fend le cœur ce que je lis là…

il y a 47 minutes, Elisa* a dit :

A dire vrai, ça me fend le cœur ce que je lis là…

A dire vrai, c'est fait pour ça.

C'est ainsi qu'ensuite, en pensant à toutes ces choses, je me sens davantage vivant et relié au sens de la vie (si elle en a un) et aux autres.

C'est en ça que je considère que la mélancolie (que j'ai confondue bêtement avec la nostalgie, tellement pour moi c'est la même chose) est importante.

Et enfin, je relierais ça au sujet de @bouddeansur l'humanité.

Il y a 8 heures, Pirene a dit :

J'aime bien non pas parce que j'ai compris ce qu'il veut dire mais en le lisant je sens comme une "douce pitié" ou une espèce de sympathie, de connivence, pour le personnage qui voit tout s'en aller progressivement autour de lui.

L'auteur est pris par l'alzheimer ? La pauvreté ? 

Oui je pourrais aller regarder moi même directement mais

Je pense que l'on est davantage dans le domaine du ressenti que de la compréhension ; et puis chacun a le droit d'interpréter et de comprendre ce qu'il veut, ce qui correspond à son propre vécu...

Pour ma part, pour avoir beaucoup lu Buzzati, il était obsédé par le temps qui passe, les relations qui finissent par disparaître (amour, amitié,...), l'oubli, l'inutilité des choses, l'irréparable (le stylo n'est pas réparable, les relations humaines ne sont pas récupérables)

Dans ce court et puissant texte, il exprime tous ces thèmes en peu de phrases.

Pas d'Alzheimer (ce n'était pas une préoccupation majeure à l'époque de Buzzati), ni de pauvreté, mais la vision - très pessimiste - de la condition humaine universelle selon ce grand auteur.

Merci d'avoir lu (et peut-être apprécié), bonne journée.

il y a 50 minutes, Crève a dit :

Ça me fait beaucoup penser un un texte de Guy de Maupassant, qui s’intitule « Suicide », un homme se remémore son passé, son quotidien morose et prévisible, et à la fin il se souvient d’une lettre qu’il a écrit à sa maman quand il avait sept ans : comme la vie était pleine de promesses ! Le temps a passé, tout est devenu gris, l’existence n’a plus la même saveur. Il regrette tellement le passé qu’il s’en suicide.

 

 

Faudra que je lise ça (beaucoup de personnes me conseillent Maupassant, qui s'apparenterait assez à Buzzati dans certaines de ses thématiques).

Il y a 2 heures, Auger a dit :

Faudra que je lise ça (beaucoup de personnes me conseillent Maupassant, qui s'apparenterait assez à Buzzati dans certaines de ses thématiques).

Chez Houellebecq, tu as aussi un peu de Maupassant : dans Extension…, le narrateur regarde des photos de lui enfant, et se met à pleurer.

On pensera aussi à la madeleine de Proust.

Aux souvenirs d'enfance de Pagnol qui regrette le copain , tombé à la guerre, avec lequel il arpentait les collines autour de la Treille.

Il y a 2 heures, Auger a dit :

A dire vrai, c'est fait pour ça.

C'est ainsi qu'ensuite, en pensant à toutes ces choses, je me sens davantage vivant et relié au sens de la vie (si elle en a un) et aux autres.

C'est en ça que je considère que la mélancolie (que j'ai confondue bêtement avec la nostalgie, tellement pour moi c'est la même chose) est importante.

Et enfin, je relierais ça au sujet de @bouddeansur l'humanité.

Et bien tu vois , je n'avais pas placé le sujet en philosophie, mais je dirais qu'effectivement , c'est non seulement la considération que l'on a pour les autres êtres humains , mais aussi la considération de l'on porte  à tout ce qui est vivant  , à  la vie , qui nous permet de nous y connecter et que nous apparait alors un sens  .

Ce sens est ineffable, il est plus simple de faire que de dire .

Allez, j'y go , mes agneaux 

il y a 25 minutes, querida13 a dit :

On pensera aussi à la madeleine de Proust.

Je mettrais pas la madeleine de Proust dans le même panier, parce que j’y perçois moins la douleur dans son passage, plus le travail de la création qu’associent le souvenir et la sensation. 

Il y a 2 heures, Auger a dit :

Faudra que je lise ça (beaucoup de personnes me conseillent Maupassant, qui s'apparenterait assez à Buzzati dans certaines de ses thématiques).

Je te conseille  vivement Maupassant...Le génie de la nouvelle. Il croque des personnages  et les analyse avec  leurs qualités  et leurs défauts avec une  précision d'entomologiste  et les met dans des situations rocambolesques  qui soulèvent  les grands problèmes humains de l'époque ou ceux rencontrés éternellement par l'humanité.